La fatigue persistante est l’un des motifs de consultation les plus récurrents en médecine générale. Selon l’étude Santé et Itinéraire Professionnel de la DREES (2016), près de 24% des adultes rapportent une fatigue durable, limitant leurs activités quotidiennes. Si la plupart des cas relèvent d’une cause bénigne et transitoire, la chronicité ou l’absence de contexte évident impose une approche méthodique et rigoureuse. Il s’agit d’un symptôme subjectif, aux multiples determinants, qui interpelle autant le praticien pour sa fréquence que pour sa complexité étiologique.
Une anamnèse précisée par la durée et le contexte oriente l’évaluation :
Le repérage des signes d’alerte — perte de poids inexpliquée, fièvre prolongée, sueurs nocturnes, altération de l’état général, dyspnée, troubles neurologiques — est fondamental (HAS, 2022).
La première étape d’une démarche efficace repose sur l’interrogatoire structuré. Il permet de :
Une revue de littérature dans le British Journal of General Practice (2017) rappelle que seul un interrogatoire détaillé repère la dimension multifactorielle de la fatigue dans plus de 60% des cas.
La recherche d’un syndrome tumoral, d’une maladie chronique sous-jacente ou de symptômes psychiatriques associés doit faire partie de la séquence systématique.
Une approche méthodique passe par l’examen des grands étiologies, du plus fréquent au plus rare.
La prescription systématique d’un « bilan standard » n’est pas recommandée. Selon les recommandations de la HAS, l’examen clinique oriente la pertinence du bilan. Néanmoins, un panel d’examens de première intention, justifiés par l’interrogatoire et l’examen, permet de ne pas méconnaître l’essentiel :
La BJGP (British Journal of General Practice) recommande de cibler les examens pour limiter les explorations inutiles : plus de 40% des bilans exhaustifs réalisés en cas de fatigue prolongée, toutes causes confondues, sont sans anomalies détectées.
Le diagnostic de syndrome de fatigue chronique (SFC), ou encéphalomyélite myalgique, doit rester un diagnostic d’élimination rigoureux. Il concerne 0,3 à 0,7% de la population adulte selon les données de l’Inserm (2021).
Des études récentes (Lancet Neurology, 2022) établissent désormais un lien entre le SFC et certaines infections virales (COVID long en particulier), la prise en charge restant symptomatique et pluridisciplinaire (rééducation à l’effort, suivi psychologique, prise en charge sociale).
| Situation clinique | Type d’orientation |
|---|---|
| Syndrome tumoral, altération de l’état général | Oncologie, hématologie |
| Bilan infectieux chronique (VIH, hépatites, tuberculose...) | Infectiologie, maladies tropicales |
| Doute sur maladie neurodégénérative | Neurologie |
| Dépression sévère, idée suicidaire | Psychiatrie |
| Fatigue persistante inexpliquée après bilan complet | Médecine interne, centre de la douleur, consultation de syndrome de fatigue chronique |
Les outils d’auto-surveillance, comme le carnet de fatigue ou les applications numériques validées, favorisent le dialogue médecin-patient et permettent d’ajuster précocement la prise en charge.
La compréhension du symptôme fatigue s’est affinée ces dernières années. La littérature invite aujourd’hui à déconstruire la perception de la fatigue comme un symptôme « banal » ou exclusivement psychogène (Revue Pratique, 2023). Il existe désormais des algorithmes décisionnels adaptés à la médecine générale et de nouveaux biomarqueurs émergents — notamment sur le versant auto-immun et infectieux. Maintenir une écoute active, réévaluer régulièrement le patient et travailler en réseau (médecin traitant, spécialiste, psychologue, paramédicaux) permet d’offrir une prise en charge plus fine et personnalisée.
Ressources utiles :