La fièvre, définie par une température centrale supérieure à 38°C, constitue l’un des motifs de consultation les plus fréquents en médecine générale. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle concerne environ 10 à 15 % des consultations adultes (source : OMS, 2022). Il s’agit rarement d’un symptôme isolé, mais davantage d’un signal d’alerte non spécifique, pouvant traduire aussi bien une banale infection virale qu’une pathologie sous-jacente potentiellement grave.
L’évaluation clinique doit permettre d’orienter rapidement vers les causes les plus fréquentes, tout en gardant à l’esprit les diagnostics à ne pas manquer. Le délai d’apparition, l’intensité, l’évolution de la température et l’association à d’autres symptômes sont des éléments déterminants.
Les causes de fièvre chez l’adulte sont multiples, mais elles se regroupent globalement en quatre catégories majeures :
Les infections respiratoires constituent la première source de fièvre aiguë chez l’adulte, représentant environ 60 % des cas de fièvre en médecine de ville (source : Vidal Recos). Deux tableaux cliniques dominent :
La période hivernale augmente fortement l’incidence : en France, près de 3 millions de cas d’infections respiratoires aiguës sont estimées chaque année (Santé Publique France, 2023).
Les infections urinaires sont une cause majeure de fièvre, particulièrement chez la femme, mais aussi chez l’homme après 50 ans (hypertrophie bénigne de la prostate, calculs). On estime qu’environ 1 adulte sur 10 présentera au moins un épisode d’infection urinaire symptomatique au cours de sa vie (NIDDK, 2022).
Diarrhée aiguë fébrile, douleurs abdominales, vomissements évoquent des infections digestives (Norovirus, Salmonella, Campylobacter…). La fièvre isolée peut également révéler une cholécystite, une appendicite, ou plus rarement une infection hépatique. On dénombre chaque année plus de 1,5 million de cas de gastro-entérite aiguë avec fièvre en France, majoritairement viraux (Santé Publique France).
Le recueil précis des antécédents et un examen clinique complet sont essentiels pour ne pas passer à côté d’une infection atypique (abcès intra-abdominaux, infections ostéo-articulaires, endocardite infectieuse...).
En dehors de l’infection, la fièvre persistante (>7 jours) doit rapidement faire évoquer une origine inflammatoire ou auto-immune. Les connectivites, vasculites et maladies auto-inflammatoires génèrent souvent une fièvre prolongée, parfois associée à des arthralgies, des éruptions cutanées ou une altération de l’état général.
Un bilan inflammatoire (CRP, NFS, VS) oriente le diagnostic mais n’est pas spécifique ; l’association à des symptômes systémiques donne l’alerte.
La fièvre peut être le mode de révélation d’un cancer, en particulier d’une hémopathie (leucémie, lymphome, myélome). Les tumeurs solides métastatiques s’accompagnent également parfois d’accès fébriles intermittents.
Selon une revue publiée dans The Lancet (2020), environ 7 % des fièvres sans cause retrouvée initiale chez l’adulte sont imputables à une cause tumorale.
Face à ces signes, l’orientation rapide vers un service d’urgences est recommandée. L’incidence des sepsis en France est en augmentation, avec près de 70 000 cas hospitaliers/an et 20 % de mortalité à court terme (Santé Publique France, 2022).
Le recours aux examens complémentaires doit rester rationnel : une CRP ou une NFS isolées n'ont d'intérêt que replacées dans le contexte clinique. La place de l’imagerie (échographie, radiographie, scanner) doit être guidée par la suspicion de localisation focale ou de complication.
La définition classique de la « fièvre d’origine indéterminée » (FOI) chez l’adulte repose sur une fièvre supérieure à 38,3°C durant plus de 3 semaines, dont la cause reste indéterminée après un bilan initial comprenant au moins 3 consultations, 3 jours d’hospitalisation ou 1 semaine d'exploration ambulatoire (Petersdorf & Beeson, The American Journal of Medicine, 1961 ; critères toujours d’actualité).
Les principales étiologies de la FOI sont, dans l’ordre :
La FOI nécessite un temps d’observation, car la fièvre révèle parfois une pathologie suraiguë ou rare nécessitant un avis spécialisé et un bilan orienté.
| Étiologie principale | Signes à rechercher | Examens utiles | Points de vigilance |
|---|---|---|---|
| Infections respiratoires | Toux, dyspnée, douleurs thoraciques, crépitants | Examen clinique, radio thorax si doute | Terrain à risque, aggravation rapide |
| Infections urinaires | Dysurie, lombalgies, fièvre élevée | Bandelette urinaire, ECBU | Risque de sepsis si sujet âgé/immunodéprimé |
| Sources digestives | Douleurs abdos, diarrhée, vomissements | Examen abdo, imagerie parfois | Risque de complication (péritonite...) |
| Syndromes inflammatoires | Arthralgies, éruptions, amaigrissement | Bilan sanguin complet | Orientation spécialisée si bilan négatif |
| Néoplasies | Amaigrissement, sueurs, adénopathies | Bilan hémato, imagerie selon contexte | Suspicion accrue chez >50 ans ou immunoD |
La démarche clinique repose toujours sur l’histoire, l’examen, la recherche de terrain ou de facteurs de risques et une analyse raisonnée du contexte épidémiologique.
La pandémie de Covid-19 a profondément remodelé les réflexes diagnostiques liés à la fièvre : la notion d’isolement précoce, le recours élargi aux tests antigéniques/RT-PCR, et la prise en compte systématique d’un syndrome viral respiratoire en contexte épidémique (OMS)
La vigilance reste également de mise pour d’autres virus émergents, la recrudescence de pathologies à potentiel épidémique (grippe, dengue dans certaines zones, monkeypox...). Intégrer la dimension de santé publique et l’interrogatoire sur les facteurs d’exposition internationaux fait désormais partie intégrante de l’évaluation d’une fièvre.
Pour rester pertinent dans l’analyse des tableaux fébriles, il est essentiel d’actualiser ses connaissances et d’associer raisonnement clinique, outils modernes, et reconnaissance des situations atypiques. La démarche centrée sur le patient, la recherche systématique de signes de gravité, et le recours réfléchi à l’imagerie et à la biologie permettent d’optimiser la prise en charge, de rassurer sans banaliser et d’anticiper l’évolution.